Restrictions d'utilisation ou charges héritées du passé ? Consulter le registre foncier permet d'éviter les mauvaises surprises. Découvrez comment utiliser les annotations et minimiser les risques.
Chaque bien immobilier en Suisse possède un ADN juridique immuable. Vous ne trouverez pas cette identité dans les prospectus de vente optimisés des agents immobiliers, mais uniquement au registre foncier. Pour les acheteurs privés, il est important de consulter ces registres, mais pour vous, en tant que commerçant, c'est une obligation vitale.
Quiconque achète ou loue à long terme un local commercial a besoin de clarté : qui est le propriétaire légal ? Quels sont les droits des voisins sur le terrain ? Et surtout : existe-t-il des contraintes juridiques qui limitent, voire interdisent, l'activité commerciale que vous envisagez d'exercer à cet endroit ? Un coup d'œil à l'extrait du registre foncier vous fournira des réponses juridiquement sûres.
Pour en comprendre la portée, il faut savoir ce que représente ce registre sur le plan technique et juridique. Le registre foncier n'est pas une simple liste ; il s'agit d'un registre public géré par les cantons (conformément à l'art. 942 CC). Il constitue le système fondamental des droits réels sur les biens immobiliers en Suisse.
Le principe le plus important est ce qu'on appelle la « foi publique » du registre foncier. Cela signifie que ce qui est inscrit dans le registre foncier est considéré comme vrai et correct. Quiconque se fie de bonne foi à une inscription est protégé par la loi. À l'inverse, un droit sur un bien immobilier (tel que la propriété ou une hypothèque) ne naît généralement qu'après son inscription au registre foncier (principe d'inscription). Un extrait complet du registre foncier vous fournit des informations sur quatre domaines essentiels :
Propriété : qui peut disposer du bien immobilier ? (propriété exclusive, copropriété ou propriété commune).
Servitudes : il s'agit ici des « obligations de tolérance ». Le voisin a-t-il le droit de passer sur votre terrain (droit de passage) ? Pouvez-vous construire uniquement jusqu'à une certaine hauteur ? L'utilisation commerciale est-elle limitée ?
Charges foncières : obligations qui pèsent sur le terrain, telles que l'obligation d'entretenir un mur de soutènement ou un chemin commun.
Droits de gage immobilier : vous voyez ici la charge financière qui pèse sur le bien immobilier sous forme de cédules hypothécaires (hypothèques). Cela vous indique le montant du prêt déjà accordé pour le bien.
La rubrique des servitudes est au cœur des préoccupations de tout entrepreneur. Elle répertorie les droits et les charges qui concernent le terrain. Un exemple classique, souvent coûteux, est la restriction d'utilisation.
Exemple : vous envisagez d'ouvrir un garage automobile ou un restaurant très fréquenté. Les locaux semblent parfaits, le plan d'aménagement communal est conforme. Mais le registre foncier mentionne une servitude de droit privé datant de 1980 et libellée comme suit : « Restriction aux activités commerciales silencieuses » ou « Interdiction de la restauration ». De telles mentions sont contraignantes. Vous ne pouvez pas y ouvrir votre entreprise, peu importe ce que dit le droit de la construction. Pour se libérer de ces contraintes de droit privé, il faut obtenir l'accord de tous les bénéficiaires, ce qui est généralement coûteux, voire tout simplement impossible.
Les droits de passage et les droits de construction rapprochée sont également critiques. Le voisin a-t-il le droit de traverser ta cour avec ses camions, précisément là où tu prévois d'installer tes tables en terrasse ? Ou a-t-il le droit de construire plus près de ton hangar que ne le permet la loi, te privant ainsi de la lumière du jour pour ta production ? Le registre foncier répond à ces questions.
En Suisse, le principe suivant s'applique : « L'achat ne rompt pas le bail ». Cela signifie que si le propriétaire vend le bien immobilier, le nouveau propriétaire reprend en principe votre contrat de location. Mais il existe une exception dangereuse : si le nouveau propriétaire fait valoir un « besoin urgent » pour lui-même ou des proches, il peut, dans certaines circonstances, vous donner un préavis de résiliation anticipée.
Pour les entreprises qui ont investi des centaines de milliers de francs dans l'aménagement de la surface louée, que ce soit dans l'aménagement du magasin, la ventilation ou l'infrastructure informatique, c'est un scénario catastrophe. La solution se trouve dans le registre foncier : vous pouvez faire inscrire une mention dans votre contrat de location (mention selon l'art. 261b CO).
Cette mention confère à votre contrat de location un « effet réel ». Cela signifie que tout nouveau propriétaire doit reprendre le contrat tel quel jusqu'à son expiration. Il ne peut pas faire valoir son droit de résiliation pour usage personnel. Cette inscription est payante, mais elle est vivement recommandée pour les baux commerciaux à long terme.
Les cédules hypothécaires se trouvent dans la section des droits de gage immobilier. Pour les acheteurs, une chose est claire : ils doivent connaître le montant de la charge grevant le terrain. Mais cela est également important pour vous en tant que locataire. Si un bien immobilier est excessivement endetté, il risque, dans le pire des cas, d'être vendu aux enchères. Certes, le bail est en principe transféré à l'adjudicataire, mais dans les cas complexes, des incertitudes peuvent surgir. Un coup d'œil sur la charge vous donnera une idée de la stabilité financière de votre bailleur.
Sous « Remarques », vous trouverez également des informations sur les restrictions de propriété de droit public. Vous devez rechercher ici le mot-clé « Altlasten » (sites contaminés). Le terrain est-il inscrit au cadastre des sites contaminés (KbS) ? Sur les anciens sites industriels en particulier, cela constitue un signal d'alarme indiquant des risques potentiels pour la santé ou des coûts d'assainissement susceptibles de perturber l'exploitation.
En Suisse, le registre foncier n'est pas entièrement accessible au public. Tout le monde peut certes connaître sans raison le nom et l'adresse du propriétaire d'un terrain, car de nombreux cantons proposent désormais cette information en ligne via des géoportails tels que Terravis. Mais pour obtenir l'extrait complet avec toutes les servitudes et remarques, vous devez justifier d'un intérêt crédible.
En tant qu'acheteur potentiel, vous obtenez généralement cet intérêt grâce à une procuration du vendeur ou dans le cadre des négociations d'achat concrètes. En tant que locataire, vous devez demander au propriétaire de vous fournir un extrait actuel. La transparence est ici la première étape d'une bonne relation commerciale. S'il refuse, cela devrait vous alerter.
Louer ou acheter un bien commercial sans vérifier le registre foncier, c'est comme acheter une voiture sans vérifier le capot. Les droits et charges qui y sont inscrits sont gravés dans le marbre. Prenez le temps de vérifier l'extrait avec un notaire ou un avocat spécialisé en immobilier avant de signer le contrat.
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